
Imbibé de rock et d'idéologies brûlantes, le deuxième album de Blue Velvet se façonne à la hauteur du talent de son créateur, et sera dans les bacs au prochain printemps .
En attendant mars, Sounding revient sur la petite carrière déjà bien remplie de ce groupe qui ose encore nous surprendre en laissant libre cours à sa fantaisie, incarné par Phil Henrion et Mirco Gasparrini.
Blue Velvet. Voilà un nom bien trop captivant pour qu’on le passe sous silence. Serait-ce le regard sombre et halluciné de David Lynch qui a inspiré ce groupe de la Cité ardente en choisissant Blue Velvet comme l’élément textuel le plus symbolique de son idéologie propre ? Ou simplement son goût pour la volupté élégante du velours bleu ? 🙂 Allez savoir ! Pour Phil Henrion, dit pH, le guitariste du groupe, c’est assez clair : "De l’imaginaire à l’imagerie, tout est source d’inspiration chez Lynch. Nous marchons en totale immersion dans son œuvre".
Blue Velvet, éponyme de l’un des films de Lynch, parmi les plus obscurs et les plus énigmatiques de la filmographie du cinéaste, colle parfaitement à l’univers du groupe, à l’instar de son premier album, Level II, sorti en 2010, une pure merveille, avec des ambiances qu’on retrouve sur certains opus de Tom Waits, et un feeling entre folk et shoegazing, dream pop et noise pop, post punk (à la manière de Bauhaus), également très imbibé de la vague de l’école flamande des 90’s, dEUS, et Rudy Trouvé, ex-guitariste du groupe, tout aussi connu pour ses dessins et peintures.
Une couleur musicale qui lui ressemble au plus haut point, pour cette œuvre phare que l’on parcoure avec curiosité et frissons comme un film qui se réclame ouvertement du surréalisme, dans sa texture et ses contours, aussi merveilleux et inépuisable qu’un monde métaphorique, où chaque élément sonore semble être étudié pour créer une atmosphère unique, et mettre notre imagination au service de la conquête de l’irrationnel.
Synopsis : deux êtres que sont pH et Mirco évoluent dans un univers où il n’est besoin de parler pour se comprendre. Le silence fait place, et les voilà qui s’égarent dans les sinuosités d’un autre monde, dont ils ne pourront plus sortir...
Blue Velvet - My Trouble - Liégeois de l'année 2010
Vous l’avez compris, Blue Velvet n’est pas le genre de groupe que l’on écoute en faisant la vaisselle ; c’est tout un univers en-dedans, un monde hanté par le vide, où s’épanchent sexualité, amour, passion, destruction, et violence, à travers une expression artistique qui est la sienne.
Quant à la volupté élégante du velours bleu ? "Tout à fait !" s’exclame pH : "De surcroit, avec le temps qui passe, nous l’apprécions à sa juste valeur, comme son confort... Ce peut être un canapé ou la banquette arrière d’une vielle voiture... "
L’objet, comme un symbole fort et récurrent, n’est-il pas une donnée centrale du cinéma de Lynch ? Du goût pour les belles images, pour les beaux objets, les belles choses que l’on prend le temps de bien faire. Comme on façonne l’airain, l’argile ou la pierre, il est essentiel de prendre le temps de composer, d’écrire, et mettre de soi dans toutes ses créations... C’est un leitmotiv pour BV : "Il est essentiel d’asseoir chaque morceau, de façon qu’il ne paraisse jamais désuet, et toujours bien accueilli par notre public. Une chanson n’est en aucun cas un effet de mode."
"Après deux EP, notre premier album en 2010, et la tournée de Level II jusqu’en 2013, en Belgique et à l’étranger, nous avons passé trois ans à préparer notre prochain album". Lequel semble vouloir naître de la collaboration des tripes, de la tête qui conçoit, et des mains qui façonnent...Mais la question se pose : la matrice de l’œuvre de BV est-elle immuable ? Avec son prochain album, il semblerait que le groupe ait passé le seuil d’une nouvelle ère avec un cœur joyeux et bondissant tel celui d’un rockeur... A l’entendre ce 14 novembre sur le plateau de Ça Balance, c’est assez évident. En comparaison de Level II, le groupe se laisse volontiers affranchir à la rebiffe du rock. Par la musique, car il se détache désormais des machines (en live également), se sentant ainsi libéré de toutes contraintes extérieures aux membres du groupe. Et dans les textes : "Il y a encore plus de sexe et de violence ; le genre de chose que les gens aiment finalement..."
Pour l’occasion, l’on voit fleurir son style plus que d’habitude, qui confère aux textes une patine poétique, qui est à la fois esthétisme, onirisme, mystère, et métaphores qui fusent avec éclat.
“You may squeeze my face dear, You may whip my skin, You may ruin some leather, Until my brain spins... », extrait de "Game"... Lynchéen en diable !
"Ne pas tout dire, ou ne pas le dire platement est une forme de pudeur avant d'être de la poésie" ajoute pH.
La Blue Velvet touch est bel et bien indéfectible, et le groupe est manifestement plus inspiré, sinon plus exalté, lorsqu’il se crée des "couloirs d'échappement" vers d'autres univers. La musique est un voyage.
Et Liège dans tout ça ? Pourquoi ne pas s'en détacher, et tracer ses sillons vers d’autres terres ? "Notre Cité Ardente nous enjoint de rester... Pour un liégeois, le lien de cœur avec sa terre natale est essentiel. Ce qui ne nous empêche pas de tourner au-delà de nos frontières, et de prendre plaisir à partir. Mais c’est aussi tout un bonheur de revenir..."
Le besoin de repos après l’excitation. Quand Liège vient à son allégeance, le groupe recouvre ses forces et ses audaces dans toute leur vigueur.
Just released : "JAIL", premier single du prochain album de Blue Velvet !